Icône du Christ - Mont Sinaï

POUR L'ENTRÉE EN CARÊME

Homélie du Père Syméon, higoumène du Monastère Saint-Silouane

 

Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Amen
« Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur ». C’est la dernière phrase que nous avons entendue de cet Evangile ; cet Evangile qui précède cette grande entrée dans le carême, la sainte quarantaine, que nous allons vivre par la grâce de Dieu. Il s’agit de savoir où est notre trésor afin que nous sachions aussi où est notre cœur. Pendant ces 40 jours, nous allons être amenés, par la proposition de Dieu et de l’Eglise, à réfléchir, bien sûr, mais surtout à prier pour savoir où est notre cœur, où est notre trésor. C’est la question fondamentale que l’on doit se poser sur cette terre.

Pour nous y aider nous aurons des Offices, des prières spéciales, nourrissantes, enrichissantes. Nous pourrons dire plusieurs fois par jour si nous le souhaitons la prière de Saint Ephrem qui résume toute la vie chrétienne que nous devons mener. Nous pourrons jeûner, c’est une tradition de l’Eglise qui nous amènera à avoir faim, faim dans notre estomac, certes, mais il faudra transposer cette faim en une faim plus importante pour une nourriture plus vitale que la nourriture habituelle, une faim du Corps et du Sang du Christ, une faim de Dieu. Si nous avons cette faim de Dieu, ce désir de Dieu alors nous découvrirons progressivement où est notre trésor et où est notre cœur. Le Seigneur nous propose de jeûner dans la discrétion, sans se vanter, sans s’exhiber. En fait il s’agit de jeûner dans le fond de notre cœur, jeûner des aliments, certes mais il y a beaucoup d’autres formes de jeûne possibles, vous le savez. On peut jeûner de notre imaginaire, de nos pensées, de nos distractions inutiles, de nos paroles inutiles. On peut jeûner en limitant au maximum notre égoïsme, notre orgueil. Et il y a encore bien d’autres formes de jeûne. A chacun de trouver la forme qui lui convient le mieux. Certes, le jeûne de l’alimentation est fondamental parce qu'il crée dans notre corps et dans notre être un besoin mais il y a ceux qui ne pourront pas jeûner d’aliments et qui devront, au contraire, manger à cause de leur faiblesse physique, de leur maladie peut-être ; ce sera une autre forme de jeûne qui entraînera l’humilité à cause de l’humiliation d’être obligé de manger devant ceux qui jeûnent ; Ce sera un vrai jeûne aussi. Et nous serons, pendant ces 40 jours comme dans un désert. Vous savez que le désert, pour ceux qui y ont séjourné quelques temps, c’est un lieu où on est obligé de vivre avec soi-même d’abord, de découvrir en profondeur qui l’on est et comment on vit, si on vit vraiment avec Dieu, si Dieu est vraiment notre trésor là où notre cœur doit être. Il y a dans le Prophète Osée une très belle phrase. Il dit ceci - c’est comme si Dieu s’adressait à l’âme humaine : « Je vais la séduire puis la conduire au désert et parler à son cœur ». C’est ce que peut-être nous devons retenir comme leitmotiv pour cette période de carême. Nous laisser séduire par Dieu car le carême s’oriente catégoriquement vers notre relation à Dieu. Nous laisser séduire par Dieu pour entrer dans cette période ascétique, nous laisser conduire dans le désert de notre cœur là où il n’y a plus que l’essentiel, l’amour de Dieu qui se porte sur nous et l’amour que nous essayons de porter à Dieu, l’amour aussi que nous essayons de porter à notre prochain. Et là Dieu parlera à notre cœur. C’est Lui qui nous dira ce qu’Il a à nous dire de particulier car nous sommes tous uniques. Il ne peut pas dire à l’un ce qu’il dira à l’autre même si quelque fois il peut y avoir des ressemblances mais il respectera notre personnalité tel qu’il nous a créés et Il parlera à notre cœur d’une Parole privilégiée, cette Parole qui nous nourrira, cette Parole qui nous consolera, cette Parole qui orientera toute notre vie, cette Parole qui nous conduira à l’essentiel, c'est-à-dire le salut par le Christ ressuscité des morts. Alors pendant tout ce carême soyons, oui, vigilants dans ce désert et laissons- nous séduire par Dieu qui nous parle au cœur dans ce désert.

Amen

(Homélie du 18/2/2018 Dimanche du pardon (Mth VI, 14-21) de l'archimandrite Syméon.)

L'archimandrite Syméon, higoumène du Monastère Saint-Silouane près du Mans (72) est le président de l'Association Saint-Silouane l'Athonite