Bref aperçu du patrimoine iconographique du Patriarcat d’Antioche

  Emma Ghorayeb Khoury

  Au début du XVIIe siècle, à Alep, on assiste à une floraison d’art iconographique original, qui se prolongera jusqu’au XIXe siècle, là et dans d’autres régions du patriarcat d’Antioche, patriarcat dit aussi « grec-orthodoxe » à cause de sa langue liturgique. Le style, spécifiquement levantin qui s’y manifeste doit, à l’évidence, quelque chose à la peinture de la Renaissance européenne, mais en climat oriental arabe. Le présent exposé a pour propos de faire découvrir cet art méconnu.

 (Article paru dans le N° 23 de la revue de notre association,  "Buisson Ardent" )

 

 

XVIIe siècle : réveil de l’art de l’icône au Proche-Orient

 

La Russie des XVe et XVIe siècles des Roublev et Dionisi a clairement manifesté le vivant héritage du pur art byzantin. Cependant, au cours du XVIIe siècle russe, s’amorce un certain déclin de l’art de l’icône, qui se confirmera avec le mouvement de modernisation et d’occidentalisation imposé par Pierre le Grand (1672-1725) et accompli sous Catherine II (1729-1796). Paradoxalement, c’est au même moment qu’apparaît, dans l’Empire ottoman, l’essor, tout neuf, d’un art d’Eglise authentiquement inspiré. Le contexte politique y est sans doute pour quelque chose. En effet, c’est au début de ce XVIIe siècle que commence le démembrement de l’Empire, que se desserre l’étau turc et que, par conséquent, se réveillent et s’encouragent les autonomies locales. L’administration de l’Etat, relâchée, se contente en effet de percevoir l’impôt et accorde aux chrétiens d’Orient une plus grande liberté de vivre leurs traditions. A cette époque, les chrétiens circulent beaucoup dans le vase Empire ottoman, ce qui leur était impossible auparavant, en raison du confinement où ils étaient contraints. Prêtres et moines fréquentent les hauts lieux de l’Orthodoxie, dans l’île de Crète, au Mont-Athos et jusqu’en Russie. C’est ainsi qu’au XVIIe siècle déjà, le patriarche d’Antioche Macariso et son diacre Paul font un long voyage en Russie, où ils s’extasient devant les belles icônes de tradition russe. Autre trait de cette ouverture : le recrutement des prélats, dans les patriarcats d’Antioche et de Jérusalem, se fait notamment parmi les moines grecs, ce qui a favorisé les échanges entre les monastères de Syrie et ceux du Mont-Athos. Par exemple, le peintre et patriarche Sylvestros d’Antioche fera de longs séjours au XVIIIe siècle au Mont-Athos pour apprendre la technique du dessin et de la peinture d’icône. De plus, l’administration ottomane a accueilli les consuls européens et leur a donné pleine liberté. C’est ainsi que des missionnaires latins se sont installés peu à peu dans cette région, répandant la peinture religieuse italienne. C’est aussi cette installation latine qui a favorisé, en 1724, la scission au sein du patriarcat d’Antioche grec-orthodoxe et qui nous vaut, aujourd’hui, d’y trouver, d’une part, le patriarcat « grec-catholique melkite[1] », rattaché à Rome et, d’autre part, le patriarcat « grec-orthodoxe », de souche. La scission de 1724 a eu aussi une influence sur l’évolution de l’iconographie de l’une et l’autre obédience[2].

Certes, avant cette redécouverte et ces influences, les icônes n’avaient jamais cessé d’accompagner la prière des orthodoxes de ces régions, mais ils ignoraient la façon de les exécuter, méconnaissaient leur sens profond et leurs relations tant avec le sens des célébrations liturgiques qu’avec l’hagiographie.

 

L’Ecole d’Alep

 

La renaissance de l’art post-byzantin a pour scène la ville d’Alep, troisième ville de l’Empire ottoman après Istanbul et Le Caire. C’est, au XVIIe siècle déjà, la grande métropole du Nord syrien, un carrefour commercial et stratégique, où la communauté chrétienne est regroupée autour de plusieurs églises du XVe siècle. Des colonies de commerçants peuplent ses comptoirs, sur la route de la soie et des épices. C’est là, alors, que reparaît une brillante école iconographique, dont le père est le prêtre  Youssûf al Musawer (littéralement « peintre » en arabe) qui, à partir de 1645, signe ses icônes.  Il est le premier d’une lignée d’iconographes qui compte son fils Neemeh, son petit-fils le diacre Hanania, et son arrière-petit-fils le diacre Girgis. Youssûf, mort en 1667, était copiste, miniaturiste, traducteur, mais peintre par excellence. Ses œuvres sont rares, contrairement à celles de son fils Neemeh, qui a laissé beaucoup de chefs-d’œuvre, notamment la grande icône du jugement dernier conservée au monastère de Balamand[3] (au Nord du Liban). La famille « al Mousawer » influencera les iconographes du Proche-Orient jusqu’au XIXe siècle.

 

La Descente aux enfers ou Anastasis (planche 7,74x98) est attribuée au Prêtre Youssûf al Musawer. qui signait ses œuvres « humble serviteur de Dieu ». Illustration d’un passsage de l’évangile apocryphe de Nicodème, le Sauveur y apparaît dans une gloire en forme de mandorle, saisissant Adam et Eve par le poignet pour les tirer des enfers. Les trous laissés par les clous, stigmates de la croix, sont très visibles sur la main et les pieds du Christ. A sa droite, saint Jean-Baptiste et trois prophètes de l’Ancien Testament, marqués par les langues de feu de l’Esprit et, à sa gauche, les rois David et Salomon, avec trois autres figures de l’Ancien Testament, désignent le Christ comme Seigneur et Sauveur. Les seules mentions graphiques concernent le Christ, qui porte le nimbe cruciforme avec l’inscription « Celui qui Est », référence au Nom de Dieu reçu par Moïse. Il est désigné, de plus, dans deux petits médaillons, deux ripidions, — éventails hampés, ornés souvent de d’un séraphin, utilisés dans la liturgie pour protéger les saintes espèces d’insectes volants[4] —, où figurent les mentions grecques abrégées « Jésus » et « Christ » portées par un séraphin, entouré de deux chérubins, mains couvertes et à genoux sur les deux montagnes devant lesquelles se tiennent ceux qui synthétisent les deux voies, prophétique et royale, du cheminement d’Israël jusqu’à l’accomplissement de la Promesse.  L’attitude du Christ est ici celle de Celui qui, doux et humble de cœur, vient réveiller du sommeil ceux qui croupissaient dans le séjour des morts. Adam désigne, lui aussi, le Christ de sa main droite en le regardant avec amour et reconnaissance, tandis que Eve, que le Christ saisit par la main droite, désigne Adam de la main gauche et tourne vers lui un visage aimant.

 

L’icône frontale du Christ figure à droite de toutes les iconostases. Dans l’icône du Christ Pantocrator (planche 8, 67 x 100, anonyme, école d’Alep, au monastère Saint-Jean-Baptiste de Douma, Liban)[5], il est représenté en Pantocrator, terme grec traduit en français par « Tout-Puissant » (attribut de Dieu le Père dans le Credo de Nicée) et, en arabe, par « Qui soutient le monde et l’embrasse ». Cette figuration manifeste que le Christ présent dans l’église, au seuil du sanctuaire, à droite, est le maître bienveillant de l’Univers, bénissant de sa droite et tenant dans sa main gauche la sphère, symbole de la totalité du créé, enserrée et sommée par la Croix glorieuse, signe du salut du monde qu’Il a réalisé. Son nimbe cruciforme porte, en trois lettres grecques, le nom divin révélé à Moïse, « O Ôn », « L’Être », qualification rappelée dans l’Apocalypse (1, 8), « Celui qui est, qui était et qui vient… ». Toute icône se doit, en effet, de donner le nom qu’elle porte, manifestation, — comme le visage l’est de l’existence corporelle —, de l’essence de l’être de celui dont la présence est manifestée par l’image.

Les icônes de Marie se développent à partir du IVe-Ve siècle, surtout après le Concile d’Ephèse (431), celui qui va la proclamer Mère de Dieu (Théotokos). Le type de l’hodighitria est appelé ainsi d’abord parce que cette icône figurait dans l’église des guides (tôn hodighôn) de Constantinople, une église, appelée donc hodigos, où les chefs d’armée, les guides, venaient prier avant de partir en campagne. De ce qualificatif de localisation, elle est passée au qualificatif d’attitude, de type, hodighitria, « celle qui montre la voie », — le Christ ayant dit : “Je suis la Voie, la Vérité et la Vie”). Originai­re, sans doute, de Syrie, l’icône de la  Mère de Dieu Hodighitria (planche 9, 67 x 100, anonyme, école d’Alep, restaurée en 1837, comme l’indique, sur l’icône, une mention en arabe) figure sur l’conostase de l’église du monastère Saint-Jean-Baptiste de Douma (Liban). Elle est caractérisée par l’attitude respective de la Mère et de l’enfant. La Mère tient l’enfant sur un de ses bras, le plus souvent le gauche et tend l’autre bras pour désigner l’enfant, qui bénit de sa main droite et, dans sa main gauche, tient un livre ou un parchemin (les deux traits constants du Christ) le parchemin ou le livre étant le signe de sa mission, de son message, de la nouvelle Loi évangélique. Le type de l’Hodighitria va se répandre on ne peut plus largement dans tout le monde orthodoxe. La Virginité de la Mère de Dieu est signifiée par les étoiles qui, sur les icônes, marquent ses deux épaules. Sur son front, la croix, présente dans les icônes anciennes, a finalement été transformée en étoile. Ainsi, elle sera toujours splendidement couverte, et humblement voilée[6]. La Mère tient l’enfant sur un de ses bras, le plus souvent le gauche, et tend l’autre pour désigner l’enfant, qui bénit de sa main droite et, dans sa main gauche, tient un livre ou un parchemin (les deux traits constants du Christ) le parchemin ou le livre étant le signe de sa mission, de son message, de la nouvelle Loi évangélique. Les deux médaillons qui viennent doubler la mention abrégée du nom, écrite en grec (Mètèr Theou, « Mère de Dieu »), écrivent  la même chose, en arabe.

 

L’Ecole de Jérusalem (XIXe siècle)

Cette école a eu une activité débordante. Des ateliers reproduisaient en quantité des icônes de mêmes sujets et de même facture, les répandant paryout. C’est ainsi qu’on en retouve denombreux exemplaires semblables dans nombre d’églises de Syrie et du Liban. On y reconnaît le style des maîtres qui y ont fait école, dénommés Kodsi, du nom arabe de Jérusalem, El Kods. Les traits des personnages représentés ont tous un air de famille : visages ronds à la candeur juvénile et grands yeux en amande.  plusieurs exemplaires répétant les même sujets et qe nous retrouvons dans beaucoup d’églises au Liban et en Syrie.Nous reconnaissons sous la main des peintres de cette école, représentée surtout par la famille Kodsi, du nom arabe de Jrusalem El Kods, des icônes qui présentent des personnages paisibles à la candeur juvénile, aux visages ronds avec de grands yeux en amande.

 

 

Saint Gérasime l’anachorète du Jourdain, que l’Eglise fête le 4 mars (voir, à cette date, Le Synaxaire, adaptation française par le hiéromoine Macaire de Simonos-Pétras) a vécu au Ve siècle. D’abord rigoureux ascète de la vie solitaire, il fonda une laure, active jusqu’au XIIIe siècle, où la vie érémitique et l’ascèse de la vie cénobitique s’employaient à se concilier au mieux. La piété populaire a retenu à son propos une anecdote significative. Un jour, pris de pitié pour les douleurs de la bête, Gérasime pansa la plaie d’un lion qui s’était enfoncé une pointe de roseau dans la patte. Le lion, reconnaissant, le suivit et s’attacha à lui. Saint Gérasime lui confia alors une obédience : accompagner l’âne pour le faire paître sur les rives du Jourdain. Un jour, l’âne échappa à sa vigilance et fut volé par des chameliers. Revenu seul au monastère, le lion, que saint Gérasime soupçonnait d’avoir mangé l’âne, fut condamné à le remplacer et à devenir porteur d’eau. Quelque temps plus tard, le chamelier repassant par là, le lion, ayant reconnu l’âne, se précipita et le ramena au monastère. Son attachement pour le saint était tel qu’après sa mort, il dépérit et mourut de chagrin sur sa tombe. Cette anecdote est évoquée au bas de l’icône de saint Gérasime (planche 10, 77x58, anonyme, non datée, sur l’iconostase en marbre de l’église de l’Annonciation de Beyrouth). Mais c’est la stature, en pied, et la position frontale du moine du grand habit, de l’higoumène, de l’ascète et du père spirituel, et le regard de sa personne tout entière qui se proposent à l’intériorité de celui qui en vient à aviser l’icône. Regard profond et doux, aussi pénétrant qu’acueillant, impénétrable et tout entier disponible, le visage et toute l’image du saint appellent celui qui les regarde à la ressemblance.

 

 

L’Ecole crétoise (XIXe siècle)

A la fin du XVIIIe et au XIXe siècle, la tradition iconographique crétoise est présente au Proche-Orient. Ainsi, Michel Polychronis[7], qui ira ensuite à Chypre, vivra en Syrie et au Liban de 1809 à 1821, où il déploiera une activité débordante et fera école. Son style mêle la tradition byzantine et des éléments inspirés de l’art baroque. Il a travaillé pour des familles chrétiennes aisées et pour un grand nombre d’églises et de monastères du patriarcat d’Antioche. Il a, en outre, beaucoup restauré et effectué de multiples repeints sur des icônes arabo-chrétiennes et grecques. L’église Saint-Nicolas de Tripoli compte bon nombre de ses œuvres.

 

 

Issue d’un atelier local marqué par l’exemple et l’enseignement dispensé par Michel le Crétois, l’icône du Christ et la Samaritaine (planche 11, 48,8 x 37,5,  anonyme, datée de 1816, conservée à  Saint-Nicolas de Tripoli, Liban)[8]. Cette icône écrit une page de l’évangile de saint Jean (chapitre IV), la rencontre de Jésus et de la Samaritaine, à laquelle l’Eglise a consacré le 5e dimanche après Pâques. Sur le haut de l’icône, dominant le mont Garizim[9], le nom de la scène représentée est donné en grec (« Le Seigneur s’adresse à la Samaritaine ») et en arabe (« Lorsque Notre Seigneur Jésus-Christ [glorifié] adressa la parole à la Samaritaine au puits de Sychar »). Icône narrative dans sa partie supérieure, on y voit la Samaritaine sur le chemin du retour auprès du Christ, Lui conduisant tous ceux à qui, à Sychar, elle vient de révéler qu’elle a rencontré un prophète qui « lui a dit tout ce qu’elle avait fait » (Jean 4, 29). Au-dessus des édifices de la cité d’où ils descendent est écrite, en arabe, la légende : « Lorsque les habitants de Sychar en compagnie de la Samaritaine sont sortis accueillir le Christ ».Un peu plus bas, sur le même chemin, se trouve un second groupe, au-dessus duquel est écrit, en arabe : « Les “purs” disciples et leurs repas ». On sait, en effet, qu’ils étaient allés se ravitailler et qu’ils furent surpris, au retour, de voir leur maître en conversation avec une Samaritaine. Pour sa plus grande part cependant, l’icône représente la rencontre au bord du puits (au-dessus duquel figure la mention « le puits », en arabe) et le dialogue où le Christ, énigmatiquement, puis à la fin explicitement, révèle à cette pécheresse hérétique qu’il lui apporte le salut et qu’il le fait, lui le Messie, au nom du Dieu qui, désormais universellement, instaure l’ère de l’adoration, au-delà des religions ancestrales, en esprit et en vérité. S’il est clair que la scène principale, statique et descriptive, focalise le regard et suscite la référence au texte, elle ne dépasse pas, comme la plupart des icônes thématiques, la suggestion méditative et l’invitation à retourner au texte évangélique. Cette extériorité relative de l’interpellation de l’image est attestée, voire soulignée ici par l’ornementation picturale. Si le Christ est clairement identifié par le nimbe où figure le nom révélé à Moïse, avec, de plus, la mention en arabe « Notre Seigneur vêtu de gloire », si le nom que la tradition prête à la femme, Photini la Samaritaine (Photini, c’est « Lumière », « Lucie », une fois le mot passé en français), les éléments décoratifs et pittoresques qui parsèment l’icône contribuent à dissoudre la portée du message évangélique dans la circonstance anecdotique où elle s’est manifestée.

 

 

Restauration d’icônes du patriarcat en France (1987-1995)

Installé au Carmel melkite de la Théotokos à Harissa pour y enseigner l’iconographie aux moniales espagnoles qui y vivaient cloîtrées, le prêtre belge Antoine Lammens, peintre et restaurateur d’icônes, s’était rendu compte de l’ampleur et de la qualité du patrimoine iconographique du patriarcat d’Antioche, pour lors largement délabré. En 1987, avec la bénédiction du métropolite grec-orthodoxe Georges Khodr, quarante et une icônes, appartenant pour la plupart à la communauté grecque-orthodoxe, furent transférées à Paris, pour y être restaurées au Louvre. Tout cela fut fait avec l’appui du Ministère de la Culture, de la Mairie de Paris, de celle du Ve Arrondissement de Paris et avec l’aide de M. Gilles Chazal, conservateur en chef du Petit Palais, de M. Hubert Landais, directeur des Musées de France et de M. Dominique Ponnau, directeur de l’Ecole du Louvre. Le travail, qui se poursuivra jusqu’en 1995, sera couronné par deux expositions, l’une au Pavillon des Arts en 1995,  l’autre au Centre Culturel du Panthéon, en 1996.

 

Parmi les icônes restaurées figure une icône biface (planche 12, 111x80), anonyme, qui porte, sur l’avers, la Théotokos hodighitria et, sur le revers, une icône de la Théophanie, plus tardive, datée du XIIIe siècle. Témoin de la continuité de la tradition iconographique byzantine au Liban au long des siècles, cette icône provient du monastère Notre-Dame de Kaftoun, un monastère encastré dans une falaise granitique du Mont-Liban, qui eut, du XIe au XIIIe siècle, une grande influence spirituelle sur la région. Le P. Lammens l’a datée du XIe siècle, en raison de son style, qui rappelle celui d’une icône semblable, l’Arakiotissa, du monastère de Araka, à Chypre, conservée actuellement au Musée d’art byzantin de Nicosie.

  Conclusion

Actuellement l’Association pour la restauration et l’étude des fresques médiévales du Liban, vise à restaurer ce qui reste de ces fresques. Les travaux de fixation et de nettoyage sont entrepris par une équipe de l’Institut des Beaux-Arts de l’Université de Varsovie ainsi que par une équipe supervisée par un restaurateur russe, professeur à l’université Saint-Tychon de Moscou. C’est le cas, par exemple, de église de Mar Saba qui date des croisades et fut construite au cours du XIIe siècle avec le concours de maçons francs présents dans le comté de Tripoli. Les fresques restaurées ont révélé une belle crucifixion de style byzantin et, en partie, une dormition de la Mère de Dieu. Sept églises, orthodoxes et maronites, ont ansi été restaurées depuis 2005 et ont permis d’importantes découvertes. Elles confirment la double influence des styles syriaque et byzantin à l’œuvre dans la région.

Ces travaux , encouragés par  le patriarce Ignace IV, décédé en 2012, ont été entrepris sous la supervision de la direction générale des Antiquités du Liban et du ministère de la culture.

 

Bref historique du monastère de Douma

 

L’église Saint Jean-Baptiste et l’église adjacente de Notre-Dame, les plus anciens bâtiments du lieu, ont été édifiées à l’emplacement d’un temple païen du IIe siècle, converti en église au Ve siècle, période de l’évangélisation de la région. Une copie d’un typicon arabe, datée de 1595 et réalisée au monastère Saint Jean-Baptiste, se trouve au monastère de Shouwaya-Meten. C’est la plus ancienne des mentions conservées du monastère. Pour ce qui précède, les documents manquent. Ce qui est certain, c’est que l’endroit a été abandonné pendant une longue période. En 1649, lors du passage dans la région du Patriarche Macarius Ibn El Zaiim, le chroniqueur Paul signale que ce dernier n’est pas passé au monastère Saint Jean-Baptiste, « abandonné et en ruines ». Grâce aux changements politiques du XVIIIe  siècle cependant, un groupe de moines du monastère Saint Elias à Shouaya s’établit à Douma.  Ils ne trouvèrent que l’église délaissée et une cave et se mirent à restaurer le monastère, amendèrent le sol, achetèrent des terrains et des propriétés et les joignirent au monastère. On conserve de cette période divers livres liturgiques copiés par les moines du monastère. En 1911, au temps de l’Archimandrite Bassilios El Amm, soutenu par le consul russe Lichen, un pensionnat pour quelque 60 à 100 garçons de différentes régions et confessions y fut établi. Cette école fut fermée en 1950, mais un prêtre demeura au monastère pour y assurer les services liturgiques et prendre soin des terrains. En été, on y accueillit les camps du Mouvement des Jeunes Orthodoxes (M.J.O). Pendant la guerre civile, de 1978 à 1988, le monastère fut occupé par des militaires. Le 30 Octobre 1990, le soleil s’est à nouveau levé sur le monastère, avec l’arrivée d’une nouvelle communauté, la « Famille de la Sainte Trinité », composée de deux pôles : le Monastère Saint Jean-Baptiste pour les moniales, et le monastère Saint-Silouane l’Athonite pour les moines. Une petite maison, qui se trouvait sur le territoire du monastère, pas très loin de Saint Jean-Baptiste, accueillit le noyau du monastère des moines. Les fondateurs de cette communauté sont respectivement Mère Mariam (Zacca), fille spirituelle de l’Archimandrite Sophrony, qui a reçu sa profession monastique, et l’Archimandrite Touma (Bitar), économe de la communauté et abbé du monastère Saint-Silouane. La vie de cette nouvelle communauté, bénie  en particulier par l’Archimandrite Elias Morkos, abbé du monastère Saint-Georges de Deir El Harf, s’inspire, prenant en considération la mentalité des gens du Moyen-Orient, de l’orientation spirituelle du Père Sophrony, initiateur de ce nouveau type de vie monastique. Et cela en suivant les enseignements, les dogmes, et les lois de l’Eglise et de la vie monastique.Le Père Touma (Père Issam à l’époque), Mère Mariam (Houda Zacca à l’époque), avec quelques membres de la paroisse Saint-Antoine le Grand, à Furn-El-Chebbek (une des banlieues de Beirut), furent les pionniers de cette communauté et occupèrent les lieux avec la bénédiction du Monseigneur Georges Khodr, Métropolite de l’archevêché du Mont- Liban, à laquelle appartiennent et Furn-El-Chebbek, et Douma. Au début, le monastère était inhabitable et portait les empreintes de l’occupation militaire. Un travail assidu de restauration et de rénovation fut nécessaire. Une des réalisations les plus remarquables fut la transformation de la cave du VIe siècle en église, consacrée à la Sainte Trinité, complètement décorée par des fresques, rayonnante, splendide. Ultérieurement, les deux anciennes églises furent restaurées et également couvertes de fresques. En 2000, on découvrit des ossements sous le sol de l’église Notre-Dame, qui dataient du temps des Mamelouks. De même, d’anciennes icônes furent restaurées, notamment l’icône du Christ, de la Mère de Dieu et du Précurseur, qui figurent sur l’iconostase de l’église Saint Jean-Baptiste. Elles illustrent le style caractéristique de l’école d’iconographie d’Alep : la délicatesse des traits, la face ovale, les yeux larges en forme d’amande, avec la noblesse et la finesse des expressions.
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 [1] Le terme « melkite » (du syriaque et de l’arabe Malek, «  roi ») désignait l’occupant byzantin. Notons que les chrétiens fidèles au concile de Chalcédoine de 481 ont été nommés « melkites » dès le Ve siècle par les Syriaques adeptes de Nestorius.

[2] Cet art a été nommé « arabo-chrétien » par le Père Lammens, prêtre belge, restaurateur de nombre des icônes dont il est question ici. Il est appelé « melkite » par les Gréco-catholiques.

[3] Balamand, où se trouve le siège patriarcal orthodoxe au Liban et son école de théologie, est la déformation phonétique arabe de Belmont. C’est un ancien monastère cistercien, connu pour son clocher, unique au Proche-Orient.

[4] Cette manière indique, discrètement mais au sommet, le sens liturgique de la scène.

[5] Le monastère Saint-Jean-Baptiste se trouve à Douma, petit village de la montagne libanaise à 29 km (35 minutes en voiture) de Batroun, à 45 km de Tripoli (55 minutes) et à 81 km de Beyrouth (1h30). Son higoumène, Mère Mariam Zacca, est membre d’honneur de l’Association Saint-Silouane l’Athonite. Traductrice des livres du Père Sophrony en arabe, Mère Mariam a fondé, avec le Père Touma (Thomas), un double monastère :  Saint Jean-Baptiste pour les moniales, Saint-Silouane pour les moines, l’un et l’autre situés à Douma. Voir ci-après un bref historique de ce monastère.

L’église Saint Jean-Baptiste et l’église adjacente de Notre-Dame, les plus anciens bâtiments du lieu, ont été édifiées à l’emplacement d’un temple païen du IIe siècle, converti en église au Ve siècle, période de l’évangélisation de la région. Une copie d’un typicon arabe, datée de 1595 et réalisée au monastère Saint Jean-Baptiste, se trouve au monastère de Shouwaya-Meten. C’est la plus ancienne des mentions conservées du monastère. Pour ce qui précède, les documents manquent. Ce qui est certain, c’est que l’endroit a été abandonné pendant une longue période. En 1649, lors du passage dans la région du Patriarche Macarius Ibn El Zaiim, le chroniqueur Paul signale que ce dernier n’est pas passé au monastère Saint Jean-Baptiste, « abandonné et en ruines ». Grâce aux changements politiques du XVIIIe  siècle cependant, un groupe de moines du monastère Saint Elias à Shouaya s’établit à Douma.  Ils ne trouvèrent que l’église délaissée et une cave et se mirent à restaurer le monastère, amendèrent le sol, achetèrent des terrains et des propriétés et les joignirent au monastère. On conserve de cette période divers livres liturgiques copiés par les moines du monastère. En 1911, au temps de l’Archimandrite Bassilios El Amm, soutenu par le consul russe Lichen, y fut établi un pensionnat pour quelque 60 à 100 garçons de différentes régions et confessions. Cette école fut fermée en 1950, mais un prêtre demeura au monastère pour y assurer les services liturgiques et prendre soin des terrains. En été, on y accueillit les camps du Mouvement des Jeunes Orthodoxes (M.J.O). Pendant la guerre civile, de 1978 à 1988, le monastère fut occupé par des militaires. Le 30 Octobre 1990, le soleil s’est à nouveau levé sur le monastère, avec l’arrivée d’une nouvelle communauté, la « Famille de la Sainte Trinité », composée de deux pôles : le Monastère Saint Jean-Baptiste pour les moniales, et le monastère Saint-Silouane l’Athonite pour les moines. Une petite maison, qui se trouvait sur le territoire du monastère, pas très loin de Saint Jean-Baptiste, accueillit le noyau du monastère des moines. Les fondateurs de cette communauté sont respectivement Mère Mariam (Zacca), fille spirituelle de l’Archimandrite Sophrony qui a reçu sa profession monastique, et l’Archimandrite Touma (Bitar), économe de la communauté et higoumène du monastère Saint-Silouane. La vie de cette nouvelle communauté, bénie  en particulier par l’Archimandrite Elias Morkos, abbé du monastère Saint-Georges de Deir El Harf, s’inspire, prenant en considération la mentalité des gens du Moyen-Orient, de l’orientation spirituelle du Père Sophrony, initiateur de ce nouveau type de vie monastique. Et cela en suivant les enseignements, les dogmes, et les lois de l’Eglise et de la vie monastique. Le Père Touma (Père Issam à l’époque), Mère Mariam (Houda Zacca à l’époque), avec quelques membres de la paroisse Saint-Antoine le Grand, à Furn-El-Chebbek (une des banlieues de Beirut), furent les pionniers de cette communauté et occupèrent les lieux avec la bénédiction du Monseigneur Georges Khodr, Métropolite de l’archevêché du Mont- Liban, auquel appartiennent et Furn-El-Chebbek, et Douma. Au début, le monastère était inhabitable et portait les empreintes de l’occupation militaire. Un travail assidu de restauration et de rénovation fut nécessaire. Une des réalisations les plus remarquables fut la transformation de la cave du VIe siècle en église, consacrée à la Sainte Trinité, complètement décorée par des fresques, rayonnante, splendide. Ultérieurement, les deux anciennes églises furent restaurées et également couvertes de fresques. En 2000, on découvrit des ossements sous le sol de l’église Notre-Dame, qui dataient du temps des Mamelouks. De même, d’anciennes icônes furent restaurées, notamment l’icône du Christ, de la Mère de Dieu et du Précurseur, qui figurent sur l’iconostase de l’église Saint Jean-Baptiste. Elles illustrent le style caractéristique de l’école d’Alep : la délicatesse des traits, la face ovale, les yeux larges en forme d’amande, avec la noblesse et la finesse des expressions.

 

[6] Ce voile est, comme il l’est encore en Orient, un long tissu qui couvre le corps et la tête des femmes jusqu’aux genoux.

[7] Voir Rania Hanania, « Michel Polychronis le Crétois à Tripoli. Son style et son héritage », dans Un métissage de cultures. L’architecture sacrée du diocèse orthodoxe de Tripoli, Université de Balamand, 2017.

[8] Sur la base du cadre est indiqué, en arabe : « Icône offerte par un dignitaire chrétien à l’église de Tripoli El Cham en 1886 ».

[9] Le Garizim est une montagne qui domine la ville de Naplouse, dans l'actuelle Cisjordanie, une région que l'on appelait « Samarie » dans l'Antiquité. Cette montagne est restée le centre religieux des Samaritains jusqu'à nos jours.