Higoumène Mariam (Zakka) Le labeur d'une vie : L’amour des ennemis
L'higoumène Mariam (Zacca) dirige une communauté monastique dans l'archidiocèse du Mont Liban de l'Église orthodoxe d'Antioche. Dans sa jeunesse, elle était spirituellement dirigée par le saint staretz Sophrony (Sakharov), qui la bénit pour fonder une sororité près du village de Douma. Vous trouverez ci-dessous ses réflexions spirituelles sur l'amour de ses ennemis.
À la porte de chaque maison, au milieu de l'obscurité nocturne et de la chaleur du jour, dans le gel blanc de l'aube, le Seigneur frappe. Il nous dit : Mon fils, donne-moi ton cœur (Prov. 23:26). Il demande notre cœur pour le purifier avec Sa tendresse, pour le réchauffer avec Son amour, pour illuminer ses ténèbres avec Sa lumière et pour le purifier avec le feu de Son amour.
Il demande spécifiquement le cœur afin que celui-ci puisse apprendre l'amour divin dont il s'est éloigné à la chute : Apprenez de moi ; car je suis doux et humble de cœur (Mt. 11:29), car un cœur qui est brisé et humilié, Dieu ne le méprisera pas (Ps. 50:19). Si un homme se donne à Dieu de cette façon, alors le Seigneur l'entendra, parce que son cœur veut être lavé, être purifié du péché, aimer Dieu et son prochain, et son ennemi. Un tel cœur veut recevoir l'amour de Dieu et l'Esprit de Dieu, et il les reçoit par le contact de Dieu, par la grâce qui s'est déversée sur lui et par son consentement à l'appel de Dieu.
Lorsqu'un homme se rend à Dieu pour être purifié de toutes les souillures de son âme, de son corps et de son esprit, et pour être fait un réceptacle du Saint-Esprit, il commence à suivre le long et étroit chemin de l'amour tout au long de sa vie. Bien-aimés, cela ne peut être réalisé que par le strict respect des commandements de l'Évangile tout au long de notre vie. C'est l'œuvre de toute la vie d'un chrétien, et il n'y a pas d'autre œuvre qui serait plus noble, plus difficile et plus lumineuse.
L'amour qui est exigé de nous est l'amour qui nous sort des limites étroites de notre "je" afin que nous puissions voir Dieu en notre frère, notre prochain et notre ami. Mais le Seigneur attend plus de nous, parce que l'amour de Dieu ne connaît pas de limites. En plus de L'aimer et d'aimer son prochain, Il nous demande d'aimer nos ennemis.
Quel est le sens du commandement du Christ d'aimer [nos] ennemis (Mt. 5:44) ? Pourquoi le Seigneur a-t-il dit : Si quelqu'un est décidé à faire la volonté de Dieu, il reconnaîtra bien si mon enseignement vient de Dieu ou si je parle de ma propre initiative (Jn. 7:17) ? Comment saint Silouane l'Athonite comprend-il cela ?
Dieu est l'amour absolu, qui embrasse toute la création dans son abondance. Dieu est présent comme amour même en enfer. En donnant à l'homme une véritable connaissance de Son amour dans la mesure où il est capable de le recevoir, le Saint-Esprit lui révèle ainsi le chemin menant à la plénitude de son existence. Ceux qui ont atteint le Royaume des cieux et qui sont en Dieu, voient en Dieu tous les abîmes de l'enfer, parce qu'il n'y a pas de place dans toute la création qui ne connaisse pas la présence de Dieu. Habitant au ciel, les saints voient aussi l'enfer et l'embrassent aussi dans leur amour.
Saint Silouane a dit : « Le ciel et tous les saints vivent par le Saint-Esprit, et rien dans tout l'univers ne Lui est caché. Ceux qui détestent leur frère et le rejettent rabaissent leur propre existence. De telles personnes n'ont pas appris à connaître le vrai Dieu, qui est l'amour qui englobe tout, et ils n'ont pas trouvé le chemin qui mène à Lui. »
Le commandement du Christ d'aimer [nos] ennemis est le reflet de l'amour parfait du Dieu Trine dans ce monde ; c'est la pierre angulaire de tout notre enseignement orthodoxe. C'est la synthèse finale de toute notre théologie, afin que nous puissions avoir la vie, et ... l'avoir plus abondamment (Jn. 10:10). C'est ce que saint Jean-Baptiste en dit : Il vous baptisera du Saint-Esprit et du feu (Mt 3:11). Le commandement d'aimer vos ennemis est ce feu que le Seigneur est venu apporter sur terre ; c'est le Royaume de Dieu en nous, venez avec puissance (Mc 9:1) ; c'est notre ressemblance avec Dieu.
Aussi sage, érudit et noble qu'un homme puisse être, s'il n'aime pas ses ennemis, c'est-à-dire chaque personne, il n'a pas encore connu Dieu. Et d'autre part, peu importe à quel point une personne peut être simple, pauvre et ignorante, si elle porte cet amour dans son cœur, alors elle demeure en Dieu, et Dieu en elle (1 Jn. 4:16). Aimer nos ennemis avec compassion est impossible sans Dieu Lui-même, a déclaré saint Silouane. Le porteur d'un tel amour prend part à la vie éternelle et en a un témoignage indubitable dans son âme. Un tel homme devient un lieu de séjour du Saint-Esprit et un ami du Christ.
Bien-aimé, ces mots sont très difficiles à appliquer dans notre vie quotidienne, dans la communauté dans laquelle nous vivons, même s'il s'agit d'une communauté monastique, et plus encore dans le monde. Quelle est donc la solution ? Tous ont péché et sont privés à la gloire de Dieu (Rom. 3:23). Mais la gloire de Dieu a été révélée sur la Croix. C'est pourquoi un homme doit rester soumis sur la Croix du Christ chaque minute du jour et de la nuit, et alors Dieu ne nous quittera pas.
Je ne vais pas entrer dans le mystère de la douleur ici, quand, comme le Christ, nous nous crucifions même pour le bien de ceux qui ne nous aiment pas. Car la face de mon Christ est mon refuge, Son Évangile ma nourriture, et l'accomplissement de Ses commandements ma vie.
Ainsi, en se crucifiant, l'homme quitte le royaume du raisonnable et du possible pour le Divin, pour la découverte du Royaume de Dieu déjà ici sur terre, et entre dans cette vie que personne ne peut embrasser. Mais il doit d'abord se repentir et prier en larmes pour ses péchés. Un tel homme cherche comment plaire à son Seigneur et passe sa vie en larmes et en prières, parce qu'il comprend que son cœur est impur, faible, volontaire, plein d'orgueil et dépourvu de capacité d'aimer vraiment. Un tel homme supplie Dieu de lui apprendre à aimer...
(Mère Mariam est une ancienne membre du comité de l'Association Saint Silouane l'Athonite)
Traduction française de Claude Lopez-Ginisty