Charte de l’Association Saint-Silouane l’Athonite[i]

 

 

Sur le plan empirique, la vie de l’Église gravite autour de trois pôles : les paroisses, les monastères et les centres d’enseignement théologique (séminaires, facultés de théologie, etc.). Mais il existe encore d’autres organismes, plus fluides ; c’est à cette dernière catégorie que s’apparente notre Association Saint-Silouane l’Athonite. Ces organisations prennent la forme d’amicales, de fraternités, d’associations, etc. ; elles peuvent avoir un but soit particulier, soit général. Elles ne sont d’aucune manière en rivalité ou en compétition avec les paroisses, les monastères et les centres d’enseignement théologique ; au contraire, elles contribuent avec eux à l’approfondissement de la vie spirituelle des fidèles, donc au renforcement de l’Église dans son ensemble.

 

Origine

 

Comme son nom l’indique, notre association regroupe des hommes et des femmes qui ont été touchés par l’enseignement, la personnalité et la sainteté du starets Silouane.

 

Le Père Silouane était un moine russe qui a vécu au Mont-Athos dans le monastère de Saint-Pantéléimon et qui est mort le 24 septembre 1938. Le Synode du Patriarcat de Constantinople l’a canonisé le 26 novembre 1987, mais cette canonisation n’a été annoncée qu’au mois de mai 1988 : c’était 50 ans après la mort du starets et aussi l’année du millénaire de l’Église russe.

 

Nous sommes donc des personnes qui nous tournons vers saint Silouane pour recevoir de lui inspiration et direction spirituelles, pour nous mettre à son école. C’était un moine du Mont-Athos, vivant dans des conditions totalement différentes de celles de la plupart d’entre nous : nous ne pouvons donc pas l’imiter dans les détails extérieurs de la vie, mais nous pouvons recevoir de lui une ligne directrice globale nous aidant à penser et à vivre en chrétiens, où que nous nous trouvions.

 

Le starets Silouane fut le guide et l’inspirateur de l’Archimandrite Sophrony. Celui-ci quitta le Mont-Athos et vint en France en 1947 pour y publier les écrits de son père spirituel ; c’est ainsi que le livre Starets Silouane vit le jour. La première édition russe, ronéotypée, parut en 1948. En 1959, le Père Sophrony se rendit en Angleterre avec un petit groupe de personnes formant le noyau initial de ce qui devait devenir le monastère Saint-Jean-Baptiste, situé près de Maldon, dans le Comté d’Essex. Le Père Sophrony fut jusqu’à sa mort, le 11 juillet 1993, – il avait 96 ans –, le père spirituel du monastère qu’il avait fondé. Il s’était fixé pour tâche de transmettre par la parole et par l’écrit l’enseignement et l’inspiration spirituels qu’il avait lui-même reçus de saint Silouane. Encore avant sa mort, soit exactement le 27 mars 1993, le Père Sophrony donna sa bénédiction au projet d’une association qui aurait pour but de faire connaître la personne et le message du starets Silouane le plus largement possible – au monde entier ! – selon sa propre expression.

 

Idées directrices

 

Par son origine, notre association est donc une émanation du monastère Saint-Jean-Baptiste et elle veut en garder l’esprit. Cet esprit pourrait être, grosso modo, caractérisé de la manière suivante :

 

– Notre association est ancrée dans l’Église orthodoxe. Autrement dit, elle s’appuie sur la tradition des Sept Conciles œcuméniques et des saints Pères, telle qu’elle est vécue dans les Églises orthodoxes canoniques.

 

– Notre association se greffe sur l’héritage spirituel de saint Silouane, que nous recevons comme une lumière qui nous guide et nous inspire. Cet héritage nous a été transmis par son disciple, le Père Sophrony, dont le témoignage forme pour nous une ligne directrice normative. Nous avons reçu comme un précieux héritage non seulement les écrits de saint Silouane, mais aussi le commentaire écrit et oral du Père Sophrony qui les accompagne. L’idée de « filiation spirituelle » et d’obéissance aux anciens est essentielle. L’Église n’est pas un milieu à la « recherche » de la vérité, mais un lieu où celle-ci se transmet et est reçue dans un esprit d’humilité.

 

– Notre association est ouverte à tout homme de bonne volonté cherchant le salut et acceptant les principes qui nous guident.

 

–            Par la force des choses, toute réalité a, dans ce monde, certaines frontières. Celles qui délimitent notre association auraient pu être différentes : plus larges ou plus restrictives, mais alors notre association n’aurait plus été ce que nous avons en vue et que nous désirons qu’elle soit.

 

 

 

 

Caractéristiques

 

Notre association est animée d’un double mouvement contenu dans ces deux mots : rassemblement et diffusion. En tant que rassemblement, elle s’apparente à une « amicale », c’est-à-dire qu’elle réunit des amis du monastère Saint-Jean-Baptiste. Ces amis sont des personnes qui ont fait un ou plusieurs séjours plus ou moins prolongés au monastère ou l’ont connu à travers les activités de l’Association ; l’expérience qu’ils y ont vécue a créé entre eux des liens et le sentiment d’être devenus les enfants spirituels de saint Silouane et du Père Sophrony. Dans ce sens, notre association est une réunion de personnes qui partagent le même esprit de famille, qui forment entre elles une famille spirituelle.

 

Aussi important soit-il, – et nous devons veiller à ce qu’il reste toujours présent dans la vie de notre association –, cet aspect de rassemblement n’en épuise pas cependant à lui seul toute la réalité. Notre association possède également un mouvement de diffusion, visant à porter au loin un message spirituel qui nous a touchés ; à vrai dire, c’est cet aspect qui fut le premier dans notre pensée quand nous avons songé à fonder l’association. Nous avons été touchés, marqués par la parole de saint Silouane ; nous voulons faire découvrir à d’autres le même trésor et partager avec eux notre propre expérience. Nous ne cherchons pas à « faire de la mission » au sens de « convertir à une institution », mais à promouvoir le Royaume de Dieu, car la parole de Silouane aide à vivre comme chrétien, à vivre authentiquement selon l’Évangile.

 

Ce programme figure sur l’icône du saint lui-même. Sur cette icône, Silouane tient un rouleau où est inscrite sa prière : « Je te prie, Seigneur miséricordieux, que tous les peuples de la terre Te connaissent par le Saint-Esprit. » C’est un appel à connaître le Christ comme Dieu-homme, non par la voie de la théologie abstraite ou un enseignement de type philosophique, mais à travers une expérience donnée par le Saint-Esprit. Cette prière implique évidemment une conversion de vie ; elle invite à l’ascèse, à un type de vie qui permet justement à l’homme de recevoir l’inspiration du Saint-Esprit qui l’unit au Christ et, par Lui, au Père.

 

Orthodoxe dans son enracinement et son inspiration, notre association n’est cependant pas exclusive ; elle est au contraire ouverte et accueillante pour toute personne de bonne volonté. Ainsi, par la force des choses, elle sera un lieu de rencontre entre chrétiens de différentes obédiences ecclésiastiques. C’est un fait que la traduction française du livre Starets Silouane est non seulement connue dans les milieux orthodoxes, mais également parmi les catholiques et les protestants. Je me risquerai même à dire que les lecteurs orthodoxes sont probablement en minorité. Le starets Silouane, qui prêchait inlassablement l’amour des ennemis, est reconnu comme saint bien au-delà des limites de l’Église orthodoxe. Voilà un « saint sans frontières », écrit Enzo Bianchi dans son introduction à la traduction italienne du livre Starets Silouane. Notre association devrait donc être un lien d’amitié spirituelle unissant ceux qui, – même différents —, se réfèrent à saint Silouane avec amour et respect.

 

Notre association compte parmi ses membres divers monastères. Cela ne saurait surprendre si l’on se souvient de l’opinion de Thomas Merton, qui écrivait en 1958 : « Peut-être découvrira-t-on que le moine le plus authentique du vingtième siècle aura été le Père Silouane, ce remarquable starets du Mont-Athos » (in La Paix monastique). De fait, de nombreux moines et moniales catholiques ont reçu le nom de Silouane lors de leur profession monastique. L’Association Saint-Silouane l’Athonite pourrait donc également devenir un ferment d’échanges et de rencontres plus spécifiquement monastiques. L’avenir montrera si cette idée est réelle ou utopique.

 

Programme

 

Notre association souhaite offrir une nourriture spirituelle, c’est-à-dire un enseignement qui s’incarne dans l’existence, qui aide à être chrétien dans la vie de tous les jours. Valoriser l’aspect existentiel ne devrait cependant pas exclure des études sérieuses sur les thèmes théologiques les plus importants présents dans les écrits de saint Silouane et de son disciple, l’Archimandrite Sophrony. Mais l’aspect de recherche académique ou d’érudition pure ne devra pas dominer. Les moyens pour atteindre ces buts seront de différents ordres :

 

– Nous prévoyons des colloques rassemblant de nombreuses personnes venues de différents pays. En plus de la Suisse, nous avons parmi nous des associés venus de France, d’Espagne, de Belgique, d’Allemagne, d’Angleterre, d’Italie, des Pays-Bas, de Roumanie, de Grèce, de Chypre, du Liban.

 

– Nous voudrions aussi encourager des initiatives et des réunions locales ayant des dimensions nettement plus réduites que les colloques internationaux.

 

– Nous publions, annuellement, des « Cahiers Saint-Silouane l’Athonite » sous le nom de Buisson Ardent. Ces cahiers ont des articles et des textes concernant saint Silouane et reprennent des exposés présentés lors des colloques ou des réunions locales.

 

Organisation

 

En raison de son histoire et de la situation géographique de ses membres, l’Association Saint-Silouane l’Athonite a deux sièges, l’un en Suisse, l’autre en France. Le Secrétaire, en étroite collaboration avec les membres du Comité, anime la vie pratique de l’association, encourage et coordonne les initiatives générales ou particulières. En tant qu’amicale, notre association a encore un autre centre, qu’on pourrait appeler « spirituel » : le monastère Saint-Jean-Baptiste en Angleterre. Aussi, est-ce son higoumène, en l’occurrence l’Archimandrite Kyrill, qui en est le Président d’honneur.

 

Plusieurs personnes s’intéressant à saint Silouane ont manifesté leur désir de participer à la vie de notre association, mais ne peuvent  le faire régulièrement de manière concrète, parce qu’elles vivent trop loin des régions francophones de l’Europe. Nous avons donc trouvé la solution suivante : nous avons dans ces pays des correspondants qui assurent le prolongement local des initiatives de l’association. Ces personnes restent en contact étroit avec le Secrétaire et le Comité.

 

Conclusion

 

Pour conclure, disons que notre association n’a pas pour but principal de promouvoir des recherches de type historique, philosophique ou théologique, mais bien un mode de vie philocalique. « Monastique » serait trop étroit et semblerait exclure ceux qui ne sont pas directement concernés par la vie monastique. En revanche, « philocalique », qui se rapporte à « l’amour du beau et du bon », convient évidemment à saint Silouane, mais répond aussi aux aspirations profondes de beaucoup de nos contemporains confrontés aux incertitudes du monde dans lequel ils vivent, où plus que jamais le bon grain et l’ivraie se mêlent et où il est difficile de trouver des points de repère sûrs. Finalement, c’est à la question de toujours, – « Comment être sauvé ? » –, que notre association aimerait apporter sa modeste contribution, en gardant vivante la mémoire d’un saint et en faisant connaître sa parole et celle de son disciple.

 

 

 

 

[i] La première version de ce texte, simplement actualisé ici, a été rédigée par l’Archimandrite Starets Syméon (1928-2009).