L'orgueil spirituel

Saint Silouane l'Athonite

Deux fois, j’ai été dans l’illusion spirituelle ; la première fois, tout au commencement, ce fut par inexpérience, lorsque j’étais encore un jeune novice, et alors le Seigneur eut rapidement pitié de moi. Mais la seconde fois, ce fut déjà par orgueil, et alors je fus longuement tourmenté avant que le Seigneur ne me guérisse par les prières de mon père spirituel. C’était arrivé après que j’avais accepté une certaine vision. Je me suis ouvert au sujet de cette vision à quatre hommes spirituels, mais aucun d’eux ne m’a dit qu’elle provenait de l’Ennemi, et pourtant l’illusion de la vanité m’attaquait continuellement.

Mais ensuite je compris moi-même ma faute, parce que les démons commençaient de nouveau à m’apparaître non seulement la nuit, mais encore pendant le jour. Mon âme les voyait mais n’avait pas peur, parce que je ressentais aussi la présence de la grâce divine. Et ainsi j’ai souffert de leur part de nombreuses années ; si le Seigneur ne m’avait pas donné de Le connaître par le Saint-Esprit, et si je n’avais pas eu le secours de la Très Sainte Mère de Dieu, j’aurais désespéré de mon salut. Mais à présent, mon âme espère fermement en la miséricorde de Dieu, bien que, selon mes actions, je sois digne des tourments, et sur terre, et en enfer.

Longtemps je ne réussis pas à comprendre ce qui m’arrivait. Je me disais : je ne juge personne ; je n’accepte pas les mauvaises pensées ; j’accomplis correctement mon obédience ; je me restreins dans la nourriture ; je prie sans arrêt ; pourquoi donc les démons ont-ils pris cette habitude de venir vers moi ?
Je vois que je suis dans l’erreur, mais ne puis deviner pourquoi. Quand je prie, ils disparaissent pour un moment, mais ensuite ils viennent de nouveau. Et longtemps mon âme fut dans ce combat. Je m’ouvris de cela à quelques anciens ; ils gardèrent le silence. J’étais déconcerté.

Une nuit, alors que j’étais assis dans ma cellule, les démons vinrent à moi, remplissant ma cellule. Je priais intensément. Le Seigneur les chassa, mais ils vinrent de nouveau. Alors je me levai pour faire des prosternations devant les icônes, mais j’étais entouré de démons. L’un d’eux se tenait devant moi de telle manière que je ne pouvais me prosterner devant les icônes, sinon c’est devant lui que je me serais incliné. Alors je m’assis de nouveau et dis :

« Seigneur, Tu vois que je veux Te prier avec un esprit pur, mais les démons m’en empêchent. Dis-moi ce que je dois faire pour qu’ils s’écartent de moi. »

Et je reçus dans mon âme cette réponse du Seigneur : « Les orgueilleux ont toujours à souffrir ainsi de la part des démons. »

Je dis : « Seigneur, Tu es miséricordieux ; mon âme Te connaît ; dis-moi ce que je dois faire pour que mon âme devienne humble. »

Et le Seigneur me répondit dans l’âme :

« Tiens ton esprit en enfer, et ne désespère pas. »

Ô miséricorde de Dieu ! Je suis abject devant Dieu et les hommes ; mais le Seigneur m’aime, m’éclaire et me guérit. Il apprend Lui-même à mon âme l’humilité et l’amour, la patience et l’obéissance, et répand tous ses bienfaits sur moi.

(Extrait de "Starets Silouane", pages 389-390, Editions Présence)